Arrêt/Réduction avant chirurgie

Tabagisme: plus de risques opératoires

Le tabagisme entraîne un surrisque opératoire chez les fumeurs. Un sevrage tabagique préopératoire réduit les risques, voire les annule s’il est entrepris 6 à 8 semaines avant une intervention chirurgicale.

Tabagisme: plus de complications respiratoires, cardiovasculaires et infectieuses péri-opératoires

Le tabagisme entraîne un risque plus important de complications respiratoires périopératoires chez le fumeur que chez le non-fumeur au décours d’actes effectués sous anesthésie générales. La survenue de complications pulmonaires péri-opératoires varie de 10 à 55% chez le fumeur et de 5 à 25% chez le non-fumeur. Les complications pulmonaires peuvent être mineures (encombrement bronchique, infections…) : celles-ci produisent dans 22% des cas chez les fumeurs alors qu’elles ne surviennent que chez 4,9% des non- fumeurs et chez 12,8% des ex-fumeurs. (1) Les fumeurs ont aussi plus de risques de complications opératoires majeures: pneumopathie, détresse respiratoire aigüe, décès. Le tabagisme est un facteur de risque majeur de morbidité pulmonaire post-opératoire en chirurgie cardiothoracique et abdominale sus-mésocoliques. (2) Cela car le tabagisme entraîne une altération de la mécanique pulmonaire, des échanges gazeux et des défenses immunitaires. Ce sont les gros fumeurs qui ont plus de risques de complications pulmonaires : les fumeurs dont la consommation totale a été supérieure à 50 paquets-années présentent ainsi un risque 4 fois plus élevé de passage en soins intensifs pour complications pulmonaires péri-opératoires que les fumeurs avec une consommation totale inférieure. (3)

Fumer augmente également le risque de  complications  cardiovasculaires. La consommation aiguë de tabac augmente la fraction de monoxyde de carbone (CO) et par conséquent de carboxyhémoglobine (HbCO), ce qui réduit la capacité de transport de l’oxygène par le sang au myocarde. Chez les personnes avec une pathologie coronarienne, la consommation de tabac augmente le risque d’ischémie myocardique (survenue d’épisodes d’ischémie péri-opératoire dans 40 à 50% des cas, selon le type de chirurgies). Chez les personnes n’ayant pas de pathologie coronarienne connue,  la consommation aiguë de tabac augmente l’incidence des épisodes de sous-décalage du segment ST (signe électrocardiographique précoce d’infarctus du myocarde postérieur). La fréquence cardiaque augmente de façon plus importante chez les fumeurs lors d’une intubation trachéale. Une étude suggère que le tabagisme majorerait le risque thromboembolique post-opératoire. (4)

Le tabagisme augmente en outre le risque de complications infectieuses. Le tabac altère la cicatrisation des tissus et favorise l’intention des plaies chirurgicales. Une étude évaluant 228 plaies provoquées a montré un taux d’infection des plaies de 12% chez les fumeurs et de 2% chez les non-fumeurs. (5) Le tabac est un facteur de risque important d’infection sternale superficielle ou de médiastinite chez les personnes opérées d’un pontage coronarien.  (6) Le risque de complications infectieuses post-opératoires dans la chirurgie de réduction mammaire ou de cancer du sein est 3 à 3,5 fois plus important chez les fumeuses que chez les non-fumeuses. (7) Ce sont les effets de la nicotine et du monoxyde de carbone qui expliquent ces effets: la nicotine entraîne une vasoconstriction des tissus et réduit l’affluence d’oxygène. Elle agit aussi sur la qualité de la cicatrisation par la diminution de production du collagène.  Le monoxyde de carbone entraîne une diminution de l’oxygénation des tissus et une mauvaise micro-circulation sanguine.

Tabagisme: augmentation des complications chirurgicales péri-opératoires

De nombreuses études montrent que le tabagisme augmente le risque de complications chirurgicales: complications de cicatrisation, risque de lâchage des sutures, risque de retard de consolidation osseuse. Il a été montré qu’en chirurgie orthopédique, le risque de complications de la cicatrisation est de 5% chez les non-fumeurs et de 31% chez les fumeurs. (8) Le tabac apparaît comme le facteur de risque le plus important de complications du site opératoire (hématome, infection, collection) après chirurgie arthroplasique de la hanche et du genou. (9)Une étude sur une série de 333 patients ayant subi une chirurgie colo-rectale avec anastomose a montré un risque plus élevé de lâchage d’anastomose chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. (10) Les complications chirurgicales sont particulièrement importantes en cas de cicatrisation de greffe de peau ou de transfert de lambeaux musculaires. Des études ont montré un taux de nécrose partielle trois fois supérieure chez les fumeurs. (11) En chirurgie plastique, les complications chirurgicales liées au tabagisme sont aussi importantes: ainsi le taux de complications chirurgicales est d’environ 50% chez les fumeurs après une abdominoplastie alors qu’il n’est que de 15% chez les non-fumeurs. (12)

Le tabagisme retarde aussi la consolidation osseuse. Une étude a ainsi montré sur 183 fractures dyaphisaires de jambes fermées ou ouvertes de grade I, la durée moyenne de consolidation était de 269 jours pour les fumeurs et de 136 jours chez les non-fumeurs. (13) Une autre étude a révélé qu’en cas de fracture ouverte de jambe, la consolidation survient en 32 semaines chez les fumeurs contre 28 semaines chez les non-fumeurs avec des opérations secondaires d’aide à la consolidation plus fréquentes chez les fumeurs. (14) Le risque de complications chirurgicales s’explique de la même façon que le risque infectieux. La diminution de la micro-circulation cutanée et l’hypoxie dues au tabagisme sont les causes principales de l’effet néfaste du tabagisme sur la cicatrisation cutanée et celle des tissus profonds.

Ces complications péri-opératoires augmentent la durée d’hospitalisation des fumeurs. Trois études ont montré que le tabagisme augmentait la durée moyenne du séjour hospitalier en chirurgie de deux jours (pour une chirurgie lourde). (15) En outre, le tabagisme doublerait le risque de transfert post-opératoire non programmé en unité de réanimation. (16)

Sevrage tabagique: diminution voire suppression du risque de complications  péri-opératoires

Le sevrage tabagique pré-opératoire permet de faire baisser les risques de complications péri-opératoires.   Un arrêt du tabagisme 6 à 8 semaines avant une intervention et poursuivi durant la phase de cicatrisation est l’idéal: il entraîne la disparition du risque des complications opératoires liées au tabac. Cependant, un sevrage tabagique même plus court a aussi des effets bénéfiques et diminue certains risques mais pas tous. En effet, les délais de survenue des bénéfices de l’arrêt ne sont pas les mêmes selon le type de complications.  Pour que l’arrêt du tabac ait un bénéfice sur le risque de complications respiratoires, il doit avoir lieu 6 à 8 semaines avant l’intervention. En effet, le sevrage tabagique entraîne une augmentation de la toux et de l’encombrement bronchique durant les 10 à 14 jours qui suivent l’arrêt. Une étude réalisée sur 300 thoracotomies montre ainsi un taux de complications respiratoires de 23% chez les fumeurs (versus 8% chez les non-fumeurs), qui reste identique chez ceux ayant arrêté de fumer  dans les 56 jours pendant l’intervention mais passe à 16% chez ceux qui ont arrêté de fumer au moins 56 jours avant l’intervention. (17)  Un arrêt du tabac plus tardif est cependant bénéfique car il entraîne une diminution du taux de CO et donc de carboxyhémoglobine (HbCO), ce qui améliore l’oxygénation tissulaire. Une étude portant sur 410 personnes ayant subi une intervention chirurgicale cardiovasculaire, a par exemple montré que le taux de complications pulmonaires post-opératoires était de 22% chez les fumeurs, de 12,8% chez les fumeurs ayant arrêté de fumer plus de 2 semaines avant l’opération et de 4,9% chez les non-fumeurs. (18) Un arrêt du tabac même à 12 à 48h avant une intervention permet une baisse du CO circulant et une meilleure oxygénation.

En ce qui concerne les complications chirurgicales, des bénéfices apparaissent avec un sevrage plus tardif avant l’intervention mais un sevrage plus précoce entraîne une forte diminution du risque de complications du site opératoire. Une étude menée en chirurgie ORL a ainsi montré qu’un sevrage moins de 21 jours avant une intervention avait déjà un effet bénéfique mais qu’un sevrage supérieur à 21 jours diminuait de façon significative le risque de complications ( risque relatif de complications de 0,31 avec un sevrage moins de 21 jours avant, de 0,17 chez ceux qui ont arrêté entre 21 et 56 jours avant et 0, 17 chez ceux qui ont arrêté depuis plus de 8 semaines ( avec un risque relatif de 0,11 chez les non-fumeurs). (19) Une étude chez des patients subissant une arthroplastie de hanche ou du genou a montré qu’un sevrage tabagique 6 à 8 semaines avant l’intervention réduisait de façon significative le taux de complications post-opératoires ( 18% dans le groupe avec intervention contre 52% dans le groupe contrôle) et que l’effet le plus significatif portait sur les complications liées aux plaies opératoires (5% dans le groupe des abstinents contre 31% dans le groupe des fumeurs) et sur la nécessité d’une ré-intervention( 4% versus 15%). (20)

De façon générale, un sevrage tabagique 6 à 8 semaines avant une intervention permet de réduire la durée moyenne du séjour d’hospitalisation après une chirurgie et le risque de passage en unité de réanimation après une intervention. Enfin, il apparaît qu’un sevrage 6 à 8 semaines avant une intervention permet de revenir à un besoin en analgésiques lors d’une anesthésie identique à celui d’un non-fumeur (le tabac accélère en effet la biotransformation hépatique des agents anesthésiques, ce qui entraîne un besoin en agents analgésiques supérieur chez le fumeur qui doit être anesthésié).  (21) Il y a peu d’interférences reconnues entre les substituts nicotiniques et les agents anesthésiques.

Intervention chirurgicale prévue: un bon moment pour le sevrage tabagique

Une intervention chirurgicale prévue semble être un bon moment pour les médecins pour parler de sevrage tabagique. Il apparaît que les patients hospitalisés arrêtent plus de fumer en cas d’intervention médicale lourde. Une étude a révélé que chez les patients subissant une intervention cardiaque, 55% de ceux qui subissaient un pontage coronarien, 25% de ceux qui subissaient une angioplastie et 14% de ceux qui subissaient une angiographie étaient abstinents un an après l’opération. (22) Pour aider les patients fumeurs à se sevrer avant une intervention, le conseil des praticiens est important. Les taux de sevrage sont augmentés si un praticien conseille à son patient d’arrêter de fumer. Même une conversation de moins de 3 minutes peut suffire à augmenter le taux d’abstinence. Des interventions plus intensives (conseils de groupes ou individuels, conseil par téléphone) donnent des résultats plus importants. Les résultats d’une étude indiquent qu’un programme d’aide au sevrage pré-opératoire peut augmenter les taux de sevrage avant l’opération et jusqu’à 12 mois après l’opération. C’est  notamment le cas avec les programmes d’aide intensifs avec conseils individuels et thérapies de remplacement nicotinique administrées 1 à 2 mois avant l’opération qui augmentent le sevrage tabagique à court et long terme. Les substituts nicotiniques sont sans effet sur la cicatrisation. Le  Bupropion semble également pouvoir aider au sevrage tabagique en période péri-opératoire. (23)

Références

(1) Bluman LG, Mosca L, Newman M, Simon DG, Preoperative smoking habits and postoperative pulmonary complications, Chest 1998; 113:883-9

(2) Morton HJV, Tobacco smoking and pulmonary complications after operation, Lancet, 1944; 1: 368-70

(3) Moller AM, Pedersen T, Villebro N, Munksgaard A, Effect of smoking on early complications after elective orthopaedic surgery. Bone Joint Surg Br 2003;85:178-81

(4) Platzer P, Thalhammer G, Jaindl M et al. Thromboembolic complications after spinal surgery in trauma patient. Acta orthopaedica 2006;77[5):755-760.

(5) Sorensen LT, Karlsmark T, Gottrup F.Abstinence from smoking reduces incisional wound infection: a randomized controlled trial. Ann Surg. 2003 Jul;238(1):1-5.

(6) Mortasawi A, Ashraf MN, Grayson AD, Oo AY.Impact of smoking on the results of coronary artery bypass surgery, Herz. 2004 May;29(3):310-6

(7) Padubidri AN, Yetman R, Browne E, Lucas A, Papay F, Larive B, Zins J. Complications of postmastectomy breast reconstructions in smokers, ex-smokers, and nonsmokers. Plast Reconstr Surg. 2001 Feb;107(2):342-9; discussion 350-1.

(8) Møller AM, Villebro N, Pedersen T, Tønnesen H. Effect of preoperative smoking intervention on postoperative complications: a randomised clinical trial. Lancet. 2002 Jan 12;359(9301):114-7.

(9) Møller AM, Villebro N, Pedersen T, Tønnesen H. Effect of preoperative smoking intervention on postoperative complications: a randomised clinical trial. Lancet. 2002 Jan 12;359(9301):114-7

(10) Sorensen LT, Jorgensen T, Kirbeky LT, Skovdal J, Vennits B, Wille-Jorgensen P, Smoking and alcohol abuse are major risk factors for anastomotic leakage in colorectal surgery, Br J Sur 199: 86:927-31

(11) Goldminz D, Bennet RG, Cigarette smoking and flap and full-thickness graft necrosis, Arch Dermat 1991; 127:1012-5

(12) Manassa EH, Hertl CH, Olbrisch RR. Wound healing problems in smokers after 132 abdominoplasties. Plast Reconstr Surg 2003 ; 111 : 2082-7.

(13) Schmitz MA, Finnegan M, Natarajan R, Champine J. Effects of smoking on tibial shaft fracture healing. Clin Orthop Relat Res 1999 ; 365 : 184-200.

(14) Adams CI, Keating JF, Court-Brown CL, Cigarette smoking and open tibial fractures. Injury. Int J care Injured 2001; 32:61-5

(15) S. Leroy, S. Lagouche, B. Dureuil  Tabagisme et anesthésie Congrès national d’anesthésie et de réanimation 2007. Conférences d’actualisation, p. 079-089.

(16) S. Leroy, S. Lagouche, B. Dureuil  Tabagisme et anesthésie Congrès national d’anesthésie et de réanimation 2007. Conférences d’actualisation, p. 079-089.

(17) Barrera R, Shi W, Amar D, et al. Smoking and timing of cessation: impact on pulmonary complications after thoracotomy. Chest 2005 ; 127 : 1977-83.

(18) Bluman LG, Mosca L, Newman M, Simon DG, Preoperative smoking habits and postoperative pulmonary complications, Chest 1998; 113:883-9

(19) Kuri M, Nakagawa M, Tanaka H et al. Determination of the duration of preoperative smoking cessation to improve wound healing after head and neck surgery. Anesthesiology 2005 ; 102 : 892-896

(20) Møller AM, Villebro N, Pedersen T, Tønnesen H. Effect of preoperative smoking intervention on postoperative complications: a randomised clinical trial. Lancet. 2002 Jan 12;359(9301):114-7.

(21) S. Leroy, S. Lagouche, B. Dureuil  Tabagisme et anesthésie Congrès national d’anesthésie et de réanimation 2007. Conférences d’actualisation, p. 079-089

(22) Crouse JR, Hagaman AP. Smoking cessation in relation to cardiac procedures. Am J Epidemiol 1991;134:699 –703.

(23) Myles PS, Leslie K, Angliss M, et al. Effectiveness of Bupropion as an aid to stopping smoking before elective surgery. Anaesthesia 2004 ; 59 : 1053-8.

Autres sources :

David O. Warner, MD Helping Surgical Patients Quit Smoking: Why, When, and How, Anesth Analg 2005;101:481–7)

Dautzenberg B, La prise en charge du tabagisme périopératoire – Control of smoking in surgical, La Lettre du Pneumologue,  N° 6 Novembre/Décembre 2005

Thomsen T, Tønnesen H, Møller AM. Effect of preoperative smoking cessation interventions on postoperative complications and smoking cessation. Br J Surg. 2009 May;96(5):451-61. doi: 10.1002/bjs.6591.

Warren A. Ellsworth and Gustavo A. Colon, Management of Medical Morbidities and Risk Factors Before Surgery: Smoking, Diabetes, and Other Complicating Factors, Semin Plast Surg. 2006 November; 20(4): 205–213.

Auteur : Anne-Sophie Glover-Bondeau / mai 2013

(Source : http://www.stop-tabac.ch/fr/les-effets-du-tabagisme-sur-la-sante/risques-operatoires)

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